capri




pour commencer un petit propos liminaire alors.
c’est écrit dans le programme de salle c’est écrit sur le site du théâtre

on vous l’a dit à l’entrée mais un tien vaut mieux que deux tu l’auras :
on ne va pas parler de Jean Vilar
ou alors
on n’est pas là pour parler de Jean Vilar, on est là pour parler d’Hervé Vilard pour distinguer les deux il y a un moyen mnémotechnique

vous allez voir c’est assez simple

y en a un qui a un d
y en a un qu’en a pas




Moyen mnémotechnique important, car pour être tout à fait honnête, même si Capri (vie de Vilard) parle en premier lieu de musique de variété, on y parle quand même un peu de Jean Vilar. Un peu.

Mais il n’y a pas besoin de connaître Jean Vilar pour comprendre Capri — d’ailleurs il n’y a pas besoin de connaître Hervé Vilard non plus, puisque c’est du croisement paradoxal de l’un et de l’autre dont on parle. Vilar saint-patron du Festival d’Avignon, Vilard enfant de chœur de la variété française — qui est le plus populaire des deux ? On n’y apportera pas de réponse, parce qu’on a dit qu’on n’était pas là pour parler de Jean Vilar, et encore moins pour comparer les deux. Mais un Vilar permet peut-être d’en comprendre un autre : René Villard, deux L un D, qui voulait être rive gauche mais qui deviendra Hervé un L un D avec Capri c’est fini en plein milieu des années soixante, fera son coming-out deux ans plus tard mais restera un chanteur à minette — « reste », d’ailleurs, car Hervé Vilard n’est pas mort (même s’il ne répond pas à mes courriels).

Au-delà de cette étonnante biographie et pour reprendre le titre de son disque d’or de 1979, c’est de Nous que ce texte parle. Nous en tant que communauté chantante, sous la douche, au karaoké, dans les caves de nos undergrounds ou dans les salles des fêtes de fin de mariage, qui braillons que Capri c’est fini — et si ça n’est pas Capri, alors on crie Aline, on veut mourir sur scène, comme d’habitude, et quand le petit matin arrive, peut-être, on va siffler là-haut sur la colline, histoire de voir le soleil se lever. Qu’on connaisse Vilar ou non, qu’on soit né·e·s dans la soupe ou dans le Palais des Papes, qu’on ait fait sienne la culture autorisée ou bien qu’on tente de s’en éloigner. Et on s’arrange comme on peut, avec nos dissonances culturelles, nos paradoxes de transfuges, nos petites stratégies de distinction sociale, nos « plaisirs coupables », nos « mauvais goûts », notre mauvaise conscience, mais cette joie miraculeuse de se baigner dans les chansons qu’on aime, qu’on aime vraiment.

Parce que, dans le fond, Capri, ça parle d’amour, bien plus que de Vilar avec ou sans D. Et, plus précisément, des choses qu’on aime parce que les gens qu’on a aimés les aimaient avant nous. Ces choses qui résistent aux ruptures comme à la nostalgie et qu’on aime sans plus se demander d’où elles nous viennent. Alors, parce que ça n’est jamais tout à fait fini, on retournera quand même à Capri avec Hervé, et sur la route, on devrait y croiser :

une échelle qui n’est pas verticale,
Marguerite Duras,
du spiritisme,
David Bowie,
des D entre parenthèses,
des définitions conceptuelles rigoureuses de la notion de variétoche,
le casque des Gauloises,
la sincérité de l’acteur,
l’art subtil du playback,
et nos grandes amours de l’art mineur.















































projet en phase de recherche.