capital colère



LE CORPS MÉDICAL – Ce que j’ai à vous dire (préparer le patient) ne va sans doute pas être facile à entendre, mais je ne vais pas vous faire l’injure de vous dissimuler la vérité (jouer la sincérité) : vous avez épuisé votre capital colère (laisser un temps pour que le patient reçoive l’information)(qu’est-ce qu’il y avait, déjà, ensuite ?).
Bon.
Donc, vous avez  puis  votre capital colère mais ne vous inquiètez pas attendez vous avez peut-être des questions, d’abord ?

IDA – Euh. Vous allez me trouver un peu bête, mais : c’est quoi, le capital colère ?

LE CORPS MÉDICAL – Il n’y a pas de questions bêtes, mademoiselle, non, c’est une très bonne question, je vais essayer de vous répondre simplement.


Il s’agit de trois pièces. Ou d’une seule pièce en trois parties. Ou d’une pièce en kit — c’est à voir.

Disons qu’on partirait du principe suivant : comme il existe un capital soleil, qui s’amenuise à chaque exposition, il existerait un capital colère. Un stock limité de cellules dévolu à cette émotion, et à aucune autre. Chaque fois que nous nous exposons à la colère, nous tronquons ce capital. Et ça, ça pose plein de questions.

                            Existe-t-il un écran total ?
                            Peut-on transformer sa colère en énergie renouvelable ?
                            Et que se passe-t-il une fois qu’on a épuisé son capital ?

            Il y a Ida. Entre les gens qui meurent, les gens qu’on voit et qu’on voit et qu’on revoit encore, la tyrannie du bien-être, la santé mentale et les soirées diapos, elle étouffe un peu. Mais au moins, il lui arrive des choses. Même si pour ça, il faut remâcher sa colère, tous les jours et tout le temps. Ida sans la peau, c’est une histoire d’écorchée de naissance.

            Il y a Catherine, l’instructrice d’auto-défense. Photos ratées retrace, de clichés en documents divers, son parcours depuis l’enfance et jusqu’au cours de ju-jitsu féministe où elle fait la connaissance d’Ida. De soleils couchant mal cadrés en notices d’électroménager, en passant par des poèmes raturés, Catherine raconte la violence sociale et l’impossibilité de trouver sa place quelque part.

            Il y a Margarine, bonne amie d’Ida, bonne oreille et bonne épaule, qui recueille toutes ces confessions de colère qu’on fait aux gens qu’on connaît bien ou à ceux qu’on rencontre à peine. Ça s’appelle 21 parpaings, et c’est une pièce faite de tous petits détails. Le genre de ceux qui piquent.

            CAPITAL COLÈRE est une grande entreprise vengeresse qui vise à remettre, petit bout par petit bout, la colère dans le corps et dans la bouche des femmes — à l’échelle minuscule du théâtre.



















projet en cours d’écriture.

avec le soutien de la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon — Centre national des écritures du spectacle et du Centre National du Livre (France).

janvier 2020 : résidence urbaine au Centre des Auteurs Dramatiques (Montréal) dans le cadre de son école d’hiver.

février-mars 2022 : résidence d’écriture à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon.





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